La finance dominatrice et totalitaire
"Le capitalisme financier a fait sauter les obstacles. Il a optimisé un processus chaotique. Non seulement il a transformé le travail en marchandises abstraites, mais il a fait circuler le capitalisme à un rythme effréné sur la Terre entière.Les échanges sont furtifs voire instantanés, les décisions importantes ne s'entravent d'aucun scrupule. L'efficacité règne. Et pourtant quelque chose d'une magie de la richesse s'est évaporée. Les placements ne durent guère, les contrats à durée déterminée font florès, la flexibilité et la mobilité sont la règle. L'argent a sa sphère autonome, derritorialisée, il est toujours ailleurs, les peuples peinent à percevoir les retombées ou les fastes. Nous vivons dans une société d'abondance, mais paradoxalement la richesse y est devenue irréelle. Au coeur de ces turbulences, il nous arrive de regretter la lenteur et la monotonie du passé, qui donnaient une continuité à nos vies et calmaient nos angoisses, au lieu de les aggraver." Extrait de l'édito, "Le fric c'est mythique", par Alexandre Lacroix, Journaliste et écrivain, directeur de la rédaction de Philosophie Magazine, février 2012.
2011 a été une année faste pour la finance |
Je recommande la lecture sans modération de Philosophie Magazine, un mensuel qui, outre les articles de s ses journalistes, présente des contributions de qualité, de philosophes, d'économistes, de sociologues, pour ne citer que ceux-là, de grande renommée. Ainsi, le numéro de février 2012 accueille Daryush Shayevan, philosophe iranien, Valérie Charolles, philosophes et économiste, membre de la Cour des Comptes et enseignantes à Sciences Po, Jon Elster, philosophe et sociologue norvégien, enseignant à l'Université de Columbia à NY...Je ne peux pas tous les citer. Ce magazine est d'une grande qualité.
Commentaire du passage
Le capitalisme financier s'est affranchi des lois et en particulier, il n'est pas imposable ou si peu, ou, il trouve les moyens de part sa fluidité géographique et organisationnelle de ne pas l'être.
Voici quelques chiffres:
-800 000 milliards d'euros ont circulé dans le monde en ce qui concerne le marché des devises (achat ou vente des devises) en 2010, (Bank for international Settlements);
-545 000 milliard d'euros, c'est le montant du marché des dérivés qui présentent des variations très rapides et qui sont des outils de spéculation idéaux, (BIS);
- 50 000 milliards, c'est le montant des actions, parts de capital émises par les entreprises, (World Federation of Exchange);
- 18 000 milliards d'euros est le montant du marché des obligations, les dettes émises par certaines entreprises, les états ou les collectivités locales (les échanges de parts de dettes! plus le risque est élevé pour l'investisseur, plus le taux d'intérêt est élevé: c'est le citoyen qui paye...), World Federation of Exchange;
Par contre, le marché du travail représente 38 000 milliards d'euros, le salaire annuel moyen par être humain est estimé à 5 400 euros. Traduit en diagramme, comme le fait Philosophie Magazine de février 2012, la part mondiale des salaires représente un espace15 fois plus petit que ce volume des transactions financières diverses. Les financiers gagnent beaucoup, les salariés gagnent des poignées de figues, lire à ce sujet l'article précédent dans lequel est cité le montant de la paye d'une ouvrière du textile au Bangladesh: 27 euros environ, pour 100 ou 80 heures de travail par mois. Selon la World Federation of Exchange.
Un dernier chiffre pour la route: les institutions financières aux Etats Unis s'apprêtaient à verser un bonus de 144 milliard d'euros à ses dirigeants et traders, fin 2010, après avoir mis sur la paille un bon nombre d'américains
Devinez la réponse |
Subjectif cet article sur le capitalisme financier? Voyons ce qu'a dénoncé Nicolas Sarkozy au Forum économique Mondial de Davos en janvier 2010.
Extrait du discours prononcé devant 2500 banquiers, hommes d'affaire et experts, qui ont paraît-il applaudi. Ils ont dû applaudir mollement.
"Sans l'intervention des Etats, tout se serait effondré. Ce n'est pas une question de libéralisme, d'étatisme, de socialisme, de gauche ou de droite, c'est une réalité. Et, de ne pas tirer des événements que nous avons connus, il y a un an, la conclusion que nous devons changer profondément, alors si nous ne changions pas, nous serions irresponsables.
Cette crise n'est pas seulement une crise mondiale, cette crise n'est pas une crise dans la mondialisation, cette crise est une crise de la mondialisation.
Tout ceci a engendré un capitalisme, un capitalisme dans lequel il était devenu normal de jouer, de préférence, avec l'argent des autres, de gagner facilement, extrêmement rapidement, sans effort et souvent sans création de richesses ou d'emplois, des masses d'argent absolument considérables.
Nous avons à réfléchir, tous ensemble. Ce ne sont pas que des problèmes techniques. Et nous devons le faire, car, si nous ne le faisons pas, nous prenons des risques considérables avec l'avenir. Si nous ne changeons pas la règlementation bancaire,si nous ne changeons pas les règles prudentielles, si nous ne changeons pas les règles comptables - mais ce n'est pas qu'une affaire de technique, ce n'est pas qu'une affaire d'experts- où voulons nous conduire le capitalisme qu'est le nôtre?"
Notes:
-Le discours est retranscrit tel qu'il a été prononcé, avec les reprises et la syntaxe propre à un discours( un discours présente toujours un certain écart avec l'écrit), ce qui fait que certaines phrases pourraient paraître contestables; j'ai organisé le passage en paragraphes, cela donne des sortes de versets. En écrivant, j'imagine Nicolas Sarkozy en auteur des "Versets Altermondialistes", avec une meute de banquiers, de traders et d'actionnaires à ses trousses...
-Le Président français parle de règles prudentielles, il s'agit des différentes mesures de prévention des risques et de leur limitation dans le cadre des activités bancaires.
-Un discours présente aussi des écarts avec la réalité, des grands écarts avec les décisions présentées ou proposées, une sorte d'écartèlement avec les applications.
Nicolas Sarkozy, au forum de Davos |
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