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dimanche 31 janvier 2010

La liberté chez Sartre, la conscience comme néantisation, écart, choix, et rapport à la réalité

Les choses en elles-mêmes n'ont pas de sens, elles en reçoivent un, de la conscience. Dans La Nausée, Sartre,1938, Antoine Roqentin, le personnage principal, se laisse envahir par la vision d'un arbre et d'un jardin et la diversité de l'endroit disparaît: "Ce vernis avait fondu, il restait des masses montrueuses et molles, en désordre, nues, d'une effrayante et obscène nudité." La nausée est cette expérience où la conscience n'ajoute rien, aucun sens au monde; elle se contente de recevoir et se révèle que l'être n'est rien d'autre que cette présence massive et insignifiante ( sans signifié), cette "pâte" des choses qui est là, sans cause et raison.
Sartre définit cela par la contingence,du latin, contingencia, le hasard qui s'oppose au concept de nécessité:
est contingent tout ce qui pourrait être autrement qu'il n'est, tout ce qui pourrait ne pas être et n'a aucune raison d'être.
L'être est donc en son essence absurde:
"Moi qui tout à l'heure, j'ai fait l'expérience de l'absolu ou l'absurde.", Antoine Roquentin dans La Nausée.

L'être-en-soi est cette "pâte" massive et absurde dont on peut simplement constater la présence.
 L'Etre et le Néant, 1943, l'oeuvre de Sartre qui a séduit le public et qui a donné naissance à l 'Existentialisme et dont on peut penser qu'elle est est à l'origine ( entre autres) de la disparition du carcan bourgeois, s'appuie, donc , sur cette distinction entre deux régions, radicalement opposées:
-l'être pour-soi, c'est à dire la conscience,
-l'être-en-soi qui est cette opacité massive.

"L'en-soi n'a pas de secret: il est massif. Il est en pleine positivité. Il ne connaît pas l'altérité: il ne se pose jamais comme un autre être; il ne peut soutenir aucun rapport avec l'autre.Il est lui-même indéfiniment et il s'épuise à l'être."
                                                                      Sartre, L' Etre et le Néant, 1943.


Clair de lune dans les collines beaussetannes.

Si l'être est défini comme un être en soi, c'est à dire comme un tout, compact et fermé, un réseau de déterminations et de causes à effets, il lui devient impossible d'être libre. Un rocher est un rocher, il n'a pas d'autre identité. C'est la même chose pour le sujet qui s'identifie à ce qui 'l est, pour ne pas éprouver le vertige de la liberté: je suis journaliste, écrivain, professeur, garçon de café " comme un hètre est un arbre ou une truite un poisson".
Ces individus qui s'identifient à ce qu'ils sont, Sartre les appelle les "salauds".
En cela, la pensée de Sartre est le plus puissant des antidotes à tous les communautarismes, toutes les revendications culturelles, politiques, professionelles ou personnalisantes.

Pour que la liberté soit possible, il faut que soit possible un écart par rapport à l' être, une prise de distance qui lui permet de s'arracher, et de se délivrer des déterminations.
La conscience est cet écart: elle se présente comme une région distincte de l'en-soi.
Sartre nomme donc pour-soi, ce mode d être propre à la conscience.

Imaginons être pris sous une coulée de neige: il faut se dégager les yeux pour y voir, écarter la neige pour savoir où l'on est; alors, il est possible de prendre conscience de sa situation. Cest le comportement de la conscience: elle se désenglue de son opacité et de sa massivité en créant de l'espace vide autour d'elle, ce qui permet de mettre les choses à distance et d'en prendre conscience.
Ceci est exprimé dans la formule connue un peu compliquée, mais plus maintenant:
"Etre pour le pour-soi c'est néantiser l'en- soi qu' il est.", Sartre, ibid.

" Toutefois, il n'est pas donné à la réalité humaine d'anéantir même provisoirement, la masse d'être qui est posée en face d'elle. Ce qu'elle peut modifier, c'est son rapport avec celle-ci. Pour elle, mettre hors-circuit un existant particulier, c'est se mettre elle meme hors-circuit par rapport à cet existant.En ce cas, elle lui échappe, elle est hors d'atteinte, il ne saurait agir sur elle, elle s'est retirée par delà un néant.
Cette possibilité pour la réalité humaine de secréter un néant qui l'isole, Descartes, après les Stoïciens, lui a donné un nom, c'est la liberté."
                                                                                             Sartre, L' Etre et le Néant.
Jean Paul Sartre et Simone de Beauvoir


samedi 30 janvier 2010

La conscience comme néantisation (suite)

Pour Didier à Brooklin et aux autres philosophes, penseurs, révoltés, étonnés et poètes.

Se plaçant dans la lignée de Descartes, Jean- Paul Sartre va radicaliser sa théorie de la liberté.
Pour le philosophe du cogito, le moi est encore une chose, une substance, défiini par des caractéristiques bien précises. La découverte de l'intentionnalité permet à Sartre de donner une nouvelle définition de la conscience, non plus comme un rassemblement de soi dans son intériorité mais comme un pur mouvement d' extériorisation, " un éclatement vers le monde".

En effet:" Toute conscience est conscience de quelque chose." C'est la définition donnée par Husserl , le penseur de la phénoménologie dont nous aurons l'occasion de parler mais dont on peut dire rapidement qu'il s'agit d'un retour aux choses mêmes, en éliminant les prismes de la subjectivité, de la théorie, du scientisme et de l'idéologie: être dans la vie comme un cosmonaute arrivant sur une autre planète, m'a t-on dit un jour, je l'ai retenu facilement car question vol-plané-terre, je suis une sorte de champion dans le genre.

Cela, la conscience de quelque- chose, signifie qu'il n'y a pas d'un côté le sujet et de l'autre le réel, mais une mise en relation de l'un et de l'autre.

La conscience devient alors une "digestion": elle absorbe et dissout en elle les choses du monde pour les connaître. le sujet se définit ainsi comme une aventure aux choses, un pur rapport au monde que Heidegger nomme " l'être-au-monde".

Dans son mouvement d'extériorisation, le moi perd ses caractères de chose; il perd toute identité stable et définitive ( ce qui entre nous est excellent pour la santé) et y gagne une liberté absolue, puisqu'il n'est rivé à rien, tenu par rien.

" Toute conscience est conscience de quelque chose: il n'en faut pas plus pour mettre un terme à la philosophie douillette de l'immanence, où tout se fait par compromis, échanges protoplasmiques, par une tiède chimie cellulaire. La philosophie de la transcendance nous jette sur la grand route, au milieu des menaces, sous une aveuglante lumière. Etre dit Heidegger, c'est-dans-le-monde. Comprenez cet " être- dans au sens de mouvement. Etre c'est s'éclater dans le monde, c'est partir d'un néant du monde et de conscience, pour soudain, s'éclater-conscience-dans-le-monde.
Que la conscience essaye de se reprendre, de coincider enfin avec elle- même, tout au chaud, volets clos, elle s'anéantit."

                                                                         Jean-Paul Sartre, in Situations I, 1939.

Arc en Ciel de Février.

dimanche 24 janvier 2010

La conscience comme néantisation ou la liberté chez Sartre

La pensée antique s'est employé à définir les objets du monde et à considérer que l'existence humaine était un objet parmi les autres.
La pensée médiévale considéra l'homme comme une créature de Dieu.
Descartes prit comme point de départ la conscience que posséde le sujet de lui- même pour découvrir une vérité absolue, le cogito ergo sum: je ne peux pas douter de ma propre existence. C'est la philosophie de la subjectivité, c'est à dire cette pensée qui fait de la conscience de soi le fondement de toute vérité. Le matin du grand soi pour faire un jeu de mots facile.
Sartre se placera d'emblée dans la lignée de Descartes. Si le sujet conçoit que sa propre existence est le fondement de toute vérité, alors il devient crucial de le définir ( le sujet) pour la pensée, le savoir, l'intelligence. L 'homme n'est pas une pierre ou un arbre, il faut qu'il sache ce qu'il est.

Or la pensée ne pense pas ce qu' elle veut: elle doit obéir à une norme, celle de la vérité qu'elle soit scientifique, sociologique ou politique. Et à fouiller plus, le risque est que la tentative de définition de l'homme passe par le renoncement de son autonomie: je suis contraint par les enchaînement logiques de telle ou telle science.

Comment donc maintenir l'autonomie de l'homme?

Descartes définit la puissance du doute, la possibilité de refuser le faux: il s'agit d'une définition de l' homme par sa puissance de négation. L'homme peut dire non.
" L'expérience de Descartes n'est pas celle de la liberté créatrice ex nihilo, mais d'abord celle de la pensée autonome qui découvre par ses propres forces des relations intelligibles entre les essences déjà existantes."

                                                 Sartre, La liberté cartésienne, 1946,in Situations I.

Cett expérience de l'autonomie ne coincide pas avec la productivité. Finalement, il faut dire oui ou non et décider seul du vrai.Il s'agit d'un acte métaphysique absolu puisque il se place dans l'intellection.
 "Cette liberté, précisemment parce qu'elle ne compore pas de degrés, il est visible qu'elle appartient à tout homme. Ou plutôt, car la liberté n'est pas une qualité parmi d'autres, il est visible que toute homme est liberté. Un homme ne peut pas être plus libre que les autres, parce que la liberté est semblable en chacun."
                                                                                                                                   Sartre ,ibid.


Lumières nocturnes, La Ciotat, vue du Beausset.

Jean Paul Sartre

Jean-Paul Sartre (1905-1980) fut Normalien puis agrégé de Philosophie. Il renonça rapidement à l'enseignement pour se consacrer à ses multiples activités d'intellectuel engagé, dont il contribuera à façonner le type. Cela influencera l'oeuvre philosophique et littéraire. Tout au long de sa vie, Sartre ne cessa de jouer un rôle de tout premier plan dans la vie intellectuelle française et dans les grands débats littéraires, politiques et idéologiques.
Ce que l'on peut appeler son militantisme  repose sur un authentique engagement philosophique de la liberté, liberté qu'il sentait foncièrement compromise face à la densité et à l'opacité du monde.

Hiver