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mercredi 30 novembre 2011

Le malaise dans la culture, le point de vue de Freud


Le sentiment religieux

Le malaise dans la culture qui est présenté assez fréquemment sous un autre titre, Le malaise dans la civilisation, ce qui est très équivalent, n'est pas un essai construit selon un plan rigoureux: il progresse au gré des éléments de réflexion qui s'ajoutent aux propos énoncés.
Au premier chapitre Freud fait état d'une correspondance avec Romain Rolland, à propos de la religion et complète ce qui a été dit dans L'avenir d'une illusion en 1927.

L'auteur de "Jean-Christophe" a fait part de ses propres réflexions après la lecture de L'avenir...Selon lui, elle est "un sentiment particulier qui ne le quitte jamais, qu'il a trouvé chez beaucoup d'autres, et qu'il peut présupposer chez des milliers d'autres. Un sentiment qu'il nommerait volontiers la sensation de l'éternité, un sentiment qui serait sans limite, sans bornes, pour ainsi dire "océanique".

                                               

Freud analyse, comme il se doit ces propos et, selon ses dires, cela ne lui pose guère de difficultés. Dans un premier temps, est énoncée la difficulté de travailler scientifiquement sur la notion de sentiment, ce n'est pas une démarche proprement scientifique, bien qu'il soit possible dans ce domaine de mesurer les signes physiologiques engendrés par cette forme d'activité mentale.
L'expression de Romain Rolland, qui restera célèbre et qui sera accommodée de différentes façons, présente un rapport avec la poésie: "le sentiment du lien indissoluble, de l'appartenance réciproque avec le Tout du Monde extérieur, possède toutes les caractéristiques d'une vision intellectuelle mêlée d'une tonalité affective..." La question qui se pose est de savoir si un tel sentiment "doit être reconnu pour fons et origo de tous les besoins religieux", ce qui entraîne l'auteur et, on le conçoit aisément, en direction d'une interprétation psychanalytique.

   
Le cheminement proposé par Freud est celui-ci: L'individu trouve la certitude la plus forte dans la perception de son propre moi qui lui apparaît " autonome, unitaire, bien isolé de tout le reste". La psychanalyse détermine et cela a été dit dans les articles précédents, que ce moi se prolonge vers l'intérieur (vers l'inconscient) qui se présente sans frontières nettes, jusqu'au ça (le réservoir des pulsions), le moi ne servant que de façade (de partie visible de ...). Par contre, vers l'extérieur, le moi "affirme des frontières visibles et nettes". Cependant, des états pathologiques, comme la psychose ou l'état amoureux, c'est Freud qui le dit, peuvent diluer la frontière entre le moi et l'objet (un autre corps pour l'état amoureux).
"Contre tous les témoignages des sens, l'amoureux affirme que le moi et le toi ne font qu'un    , et il est prêt à se comporter comme s'il en était ainsi..."

En ce qui concerne la pathologie proprement dite, le psychanalyste écrit: "...un grand nombre d'états dans lesquels la démarcation du moi avec le monde qui l'entoure devient incertaine, ou dans lesquels les frontières sont tracées de manière vraiment incorrecte; des cas où des parties de notre propre corps, et même des pans de vie de notre âme, perceptions, pensées, sentiments, apparaissent comme étrangers et n'appartenant pas au moi, d'autres où l'on impute au monde extérieur ce qui est manifestement né dans le moi et devrait être reconnu par lui. Ainsi le sentiment du moi est soumis lui aussi à des perturbations, et les frontières du moi ne sont pas constantes." ibid, p. 41      

   

Il est aussi évident que le sentiment de ce moi n'est pas inné, il a suivi un développement que le père de la psychanalyse nous décrit et même si aucune preuve ne peut étayer les étapes décrites à ce sujet cela est de toute évidence vraisemblable. Je ferai juste une courte aparté  à ce niveau, pour dire que la théorie freudienne n'est pas vérifiable au sens où on l'entend, par la science dure, on ne possède pas d'images photographiées ou radiographiées de l'inconscient et du ça. Les notions freudiennes sont critiquées, réfutées, Michel Onfray est par exemple un grand pourfendeur de Freud. Mais, c'est à ce même philosophe que j'emprunterai le meilleur compliment concernant celui-ci, glané dans son pavé (au double sens du terme, ouvrage important et pavé dans la mare): "Freud a énoncé une théorie vitaliste" et c'est éminemment important, vrai ou faux, en totalité ou en partie, l'enseignement de la psychanalyse permet à l'homme de se regarder un peu plus précisément, de mettre en perspective, ses pensées, ses actions avec sa propre histoire et celle de l'humanité et ce n'est pas si mal . L'aparté n'est pas si courte mais elle était nécessaire.

Le nourrisson donc n'isole pas son moi du monde extérieur qui est source de sensations. Il apprend à le faire par diverses excitations parmi lesquelles certaines se dérobent, et parmi elles se trouve celle qu'il désire  le plus, le sein maternel. Le sein nourricier s'oppose au moi, comme extérieur qui peut apparaître par une action particulière, les pleurs. Une autre impulsion au détachement du moi et à la reconnaissance d'un dehors est donnée par les véritables sensations de douleur et de déplaisir (se cogner, éprouver une chaleur trop vive...): "le tout puissant principe de plaisir commande d'éviter ce type de sensations" et il se forme ce que Freud appelle un moi hédonique dont les frontières seront rectifiées ensuite par l'expérience.

                                                            
                                                                                                                                                                      "Bien des choses auxquelles on ne voudrait renoncer, parce qu'elles dispensent du plaisir, ne sont pourtant pas moi, ce sont des objets, et bien des tourments, qu'on veut rejeter à l'extérieur, se révèlent pourtant inséparable du moi." Cela signifie que les frontières de ce moi hédonique primitif peuvent parfois échapper aux nécessaires rectifications de l'expérience et, en dépit de l'apprentissage effectué pour distinguer l'extérieur de l'intérieur qui est une des caractéristiques du principe de réalité.
A l'origine donc, suivant cette théorie, le moi contient tout, c'est le syncrétisme enfantin et, ensuite de ce moi fusionnel, se détachent un monde extérieur et un monde intérieur. Le sentiment actuel du moi "n'est plus qu'un monde rabougri d'un sentiment qui embrassait bien davantage et même qui embrassait tout". Ce moi correspondait à un lien intime avec le monde et, Freud considère que c'est ce type de moi qui, chez de nombreux hommes coexisterait avec le moi de la maturité "comme une sorte de pendant" et, ce serait l'origine de ce sentiment d'absence de frontières, d'un lien avec le Tout que Romain Rolland exprime par cette belle et poétique expression," un sentiment océanique". A propos de cette coexistence du primitif et de la construction adulte achevée, l'auteur remarque :"Dans le domaine de l'âme,...la conservation du primitif, à coté de ce qui en est issu et transformé,  est si fréquente qu'il est superflu d'en faire la preuve par des exemples. Le plus souvent, ce cas est la conséquence d'une scission dans le développement. Une certaine quantité d'une disposition, d'un mouvement fusionnel, se conserve inchangée, une autre a continué à se développer." ibid, chapitre 1.                 

Primitif tattou
         Notions complémentaires

Les principes freudiens

Principe de constance: ce principe a été énoncé à propos de l'appareil psychique qui tend à maintenir à un niveau aussi bas ou, tout au moins aussi constant que possible, la quantité d"excitation qu'il contient. La constance est obtenue d'une part par la décharge de l'énergie déjà présente, d'autre part par l'évitement de ce qui pourrait accroître la quantité d'excitation et la défense contre cette augmentation. Voc. de la psychanalyse, Laplanche et Pontalis, PUF.

Principe de Nirvâna: ce principe désigne la tendance de l'appareil psychique à ramener à zéro ou du moins à réduire la plus possible en lui toute quantité d'excitation d'origine externe ou interne. "Le terme de Nirvâna, répandu en Occident par Schopenhauer, est tiré de la religion bouddhique où il désigne l'extinction du désir humain, l'anéantissement de l'individualité  qui se fond dans l'âme collective, un état de quiétude et de bonheur parfait." ibid.

Principe de plaisir: un des deux principes régissant selon Freud, le fonctionnement mental: l'ensemble de l'activité psychique a pour but d'éviter le déplaisir et de procurer le plaisir. En tant que le déplaisir est lié à l'augmentation des quantités d'excitation et, le plaisir à leur réduction, le principe de plaisir est un principe économique."Les pulsions ne chercheraient d'abord qu'à se décharger, à se satisfaire par les voies les plus courtes. Elles feraient progressivement l'apprentissage de la réalité qui ,seule leur permet, à travers les détours et les ajournements nécessaires, d'atteindre la satisfaction cherchée."ibid.

Principe de réalité: il forme couple avec le principe de plaisir qu'il modifie dans la mesure où il réussit à s'imposer comme principe régulateur. Envisagé du point de vue économique, le principe de réalité correspond à une transformation de l'énergie libre (l'énergie est dite libre ou mobile dans la mesure où elle s'écoule vers la décharge de la façon la plus rapide possible), en énergie liée (le mouvement vers la décharge est retardé et contrôlé). Du point de vue génétique, l'état libre de l'énergie précède, on s'en doutait, son état lié, celui-ci caractérisant un degré plus élevé de structuration de l'appareil psychique.
Le principe de réalité, du point de vue de la topique freudienne, correspond au système préconscient-conscient. la psychanalyse cherche à fonder, dans le travail effectué par le patient avec l'écoute de l'analyste, l'intervention du principe de réalité sur l'énergie pulsionnelle.

                                 

                                                                                                                                                      

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