lundi 17 octobre 2011
La démondialisation, points de vue (suite)
Le point de vue de Philippe Aghion, professeur d'économie à Harvard, d'aprés une interview recueillie par Christophe Alix, Libération du 12/10/2011.
Cet économiste appartient à un courant que l'on peut qualifier de gauche libérale, "ouverte sur le monde" dont le candidat désigné du Parti Socialiste, François Hollande est un représentant. Selon ce spécialiste, "il n'existe pas d'exemples d'économies fermées et prospères". Cependant, le débat sur la démondialisation est toujours selon ses dires "le reflet de préoccupations légitimes". A noter que pour Aghion, le mot "démondialisation" est immédiatement connoté par "économie fermée"; tout débat est ainsi entaché de l'argument du pire. Le politiquement correct.
L'analyse est cependant critique:
- précarisation du travail accrue,
- délocalisations provoquant le chômage et la destruction du tissu social,
- contagion de la crise financière d'un pays à l'autre,
- inaptitude flagrante des Etats à protéger leurs populations contre ces nouveaux risques,
"Il est possible d'amortir ces risques et de s'adapter à la nouvelle donne mondiale sans pour autant se replier sur soi." L'exemple de l'Allemagne et de la Scandinavie est donné. "Ce sont des économies très ouvertes, fortement exportatrices, qui ont su tirer parti de la mondialisation, en faire une chance plutôt qu'un handicap. Les Danois, par exemple ont, avec la "flexicurité", adapté et modernisé leur marché du travail. Ils donnent à la fois plus de liberté aux entreprises, et plus de sécurité et de moyens aux salariés. Grâce à l'imbrication très forte entre l'entreprise et le système de formation, notamment via l'apprentissage, l'Allemagne a réussi à maintenir un fort emploi industriel sur son sol."
Phillipe Aghion en conclue que les pays qui réussissent la mondialisation sont évidemment ouverts sur l'international et ont un fort potentiel de croissance et des taux de chômage bas en adaptant leur système d'enseignement et leur modèle social, en mettant en place une véritable politique industrielle dont l'Europe devrait être l'instigatrice.
Le problème des exportations venant de pays ne respectant pas les normes sociales et environnementales (très appréciés des multinationales et des patrons voyous), "les paradis polluants" selon le mot d'Aghion, est évoqué : "il est tout à fait normal de mettre en place des barrières tarifaires aux frontières de l'UE".
Mais une mise en garde est prononcée à propos de ce "protectionnisme sélectif" propre à devenir "un protectionnisme systématique" qui nuirait à la croissance mondiale et serait "un signal terrible" pour les pays émergents. La Chine par exemple, s'enrichit (c'est le moins qu'on puisse dire) et constitue un débouché de plus en plus important pour nos entreprises. Pour y fabriquer quoi? La question se pose, puisque du moindre bouton de culotte au plus gros téléviseur ou satellite, tout est fabriqué en Chine, ou contrefait, au bénéfice des importateurs qui multiplient les prix de revient par 10, 20 ou trente afin de faire les plus gros bénéfices possibles sur le dos des citoyens européens, les grosses pommes de l'Asie.
" Les entreprises françaises et américaines ont joué à fond la délocalisation sur les nouveaux lieux de consommation en détruisant des pans entiers de nos industries" signale Aghion en citant encore l'exemple des Allemands qui ont "veillé à maintenir sur leur sol les segments les plus innovants de la chaîne de production."
Les chefs d'entreprise français et américains peuvent à mon sens être fiers de leur sens de l'intérêt général de nos pays. Les citoyens sont contents de vivre dans des pays dotés de telles élites.
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