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lundi 15 août 2011

Zigmunt Bauman, La vie en miettes, les peurs postmodernes, 3 ème partie



La peur affrontée sans intermédiaire

"A l'image de ces usines de la certitude (lieux de surveillance, d'exercice, de discipline, de dispersion de la peur), l'industrie et l'armée ont bel et bien fait leur temps. On ne s'étonnera donc pas de ne plus parler de la "mission morale" des employeurs, thème si récurrent de la conscience de soi du XIX ème siècle." ibid, p. 73.
La maintenance et la reproduction de la société sont l'affaire d'autres moyens qui ne sont plus collectivisés mais privatisés. A noter que, en ce qui concerne "la mission morale", l'école se borne à conduire ou proposer des études, l'individu s'y comportant à sa guise ou presque, l'enseignant tentant d'assurer sa survie, au sein d'un métier dévalorisé et où la notion de vocation prête à sourire.
C'est à l'individu désormais, placé qu'il est dans un chaos de procédures "dés-institutionnalisées" que revient d'accomplir les efforts de formation personnelle. La sous-détermination, l'opacité, l'incertitude de l'être n'étant plus soulagées par les nécessités scolaires, professionnelles, militaires, sociologiques ou religieuses: l'individu est sans filet, sans longe de sécurité et il affronte la peur "dans sa sévérité la plus pure": "son énorme pression s'abat tout entière sur l'individu, presque sans intermédiaire et, c'est à l'action individuelle qu'il revient de la repousser ou de la neutraliser."ibid, p. 74.

La peur de l'insuffisance

"La peur de la sous-détermination déchaîne,chez l'individu, une frénésie d'affirmation de soi et de mise en configuration personnelle". Cela est symptomatique et se ressent très souvent dans la vie relationnelle, au cours des discussions pendant lesquelles, nombreux sont les interlocuteurs qui exposent leurs différentes stratégies mises en place, aussi nombreuses que variées, tout en cherchant à se conforter sur leur bien-fondé, à l'aune d'une oreille extérieure. Le citoyen postmoderne et il est possible que cette expression soit à placer au registre des archaïsmes, est mis en demeure de vaincre l'incertitude par ses propres moyens à l'aide d'une infinité de recettes, "dans le but de faits maisons" auquel l'auteur oppose "la pénurie de parce que ". Cela entraîne une souffrance qui naît du sentiment d'insuffisance; la déviance devient la punition de l'échec individuel.Ce n'est plus "l'ancienne insuffisance" mesurée par des critères nets et solides mais l'insuffisance postmoderne mal définie et plus ou moins visqueuse faite de l'échec à acquérir une forme souhaitée, de la difficulté à rester en mouvement, mais aussi "à s'arrêter à l'endroit désiré", de la perte de la flexibilité et de l'incapacité "à endosser des formes à volonté, à être dans le même temps une argile malléable et un sculpteur accompli."ibid p.75.

  
Texte complémentaire

L'école et la société, Jean-François Mattéi, La barbarie intérieure, PUF, 1999.

"Ce ne sont pas les enfants qui ne savent plus pourquoi ils vont à l'école; ce sont les adultes qui ne pensent plus pourquoi leurs enfants doivent aller à l'école... On ne sait plus pourquoi on enseigne, ce qu'on doit enseigner, ce qu'il faut être pour enseigner. Ni du côté des responsables politiques, ni du côté des enseignants, ni du côté des parents d'élèves, on ne se trouve plus en mesure de dépasser les incertitudes et d'affronter le problème fondamental: quelles fins doivent être assignées à l'enseignement à notre époque?"

L'école est devenue "une société éphémère, débarrassée des intérêts pédagogiques. Dès le moment où la société n'a plus souci que d'elle-même, en limitant l'homme à sa vie sociale, elle se trouve dans l'impossibilité de trouver de l'intérêt à ce qui ne relève pas du social, à savoir l'enseignement et la pensée, dont le lieu naturel est l'école. Le social, en tant que social, n'a aucun temps à se consacrer à la pensée, car il vit au jour le jour, non pour penser mais pour produire de la socialité. L'école en tant qu'école, n'a aucun temps à consacrer à la socialité, car l'école ne vit pas au jour le jour pour produire de la socialité, mais pour penser l'humanité." 

                 
          à suivre                                                                                                                                      

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