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mercredi 6 juillet 2011

Zygmunt Bauman," La vie en miettes. Expérience postmoderne et moralité", analyses et études connexes



Avant de continuer l'étude de l'ouvrage de Zygmunt Bauman, "La vie en miettes, Expérience postmoderne et moralité", il semble nécessaire de définir les notions de Modernité et de Postmodernité. Il ne s'agit pas d'en faire un exposé complet mais, de mieux cerner les principales caractéristiques, afin que le lecteur et moi-même, ayons en mémoire, des éléments de définitions, pour mieux comprendre l'ouvrage du sociologue et en tirer profit.Cela renvoie et complète un précédent article où ce sujet avait été abordé.

La Modernité est un changement de paradigme politique et moral. Ce mot, employé dans divers domaines désigne ,en linguistique, l'ensemble des déclinaisons d'un mot (ses variations orthographiques entre autre) et d'une façon plus large, on dit que deux mots appartiennent au même paradigme s'ils sont substituables; par exemple, belle et fatale appartiennent au même paradigme car ces deux mots peuvent qualifier un femme. Le paradigmatique désigne aussi la possibilité de sélectionner des termes afin de s'exprimer. En philosophie, Sociologie et d'une façon générale en Sciences Humainesle paradigme est ce qui sert d'exemple, ce qui est un modèle concret dans l'activité humaine. Donc, paradigme désigne les règles que les acteurs de la modernité posent et mettent peu à peu en place et qui sont intériorisées comme normes par les individus qui composent une société.
 La Modernité prend naissance au Siècle des Lumières qui met un terme à L'Ancien Régime. C'est une fin, programmée, car cela ne se fera pas du jour au lendemain, de l'arbitraire, de l'autorité en tant que force, pour donner une légitimité à la politique fondée sur la raison humaine. L'homme fait autorité à partir du moment où son action et sa pensée sont guidés par des principes universalisables.

Ce nouveau paradigme politique et moral de la Modernité peut se décliner de la façon suivante:

- une époque de rationnalisation;
- remplacement du pouvoir par la Loi;
- domination de la nature;
- l'individu libéré de Dieu et du pouvoir ancestal;
- rupture d'avec les traditions;
- la notion de vivre avec son temps;
- toute puissance de la Science;
- le progrès comme idéal;


                                                              Tradition et modernité
                                                                   
La Postmodernité

La faillite des idéologies met fin à l'époque moderne et l'événement symbolique, qui initie la nouvelle époque est la chute du mur de Berlin. C'est le déclin irréversible de l'idéal communiste et du marxisme qui perd pratiquement tout attrait. Il faut noter que la présence du marxisme et des marxistes était un facteur d'équilibre pour nos sociétés occidentales: les uns étaient dans l'opposition engagés qu'ils étaient dans le désir de changer de société et formant un contre pouvoir fort qui avaient donc son mot àdire et son rôle à jouer; les autres tirant dans le sens inverse, pour défendre le capitalisme industriel. Il semble que cette situation présentait des avantages: une bonne part des citoyens se trouvaient dans une position critique et se confrontaient aux conservateurs qui ne pouvaient que faire en sorte de proposer un système capitaliste séduisant et performant. Le "désert idéologique", la perte des repères, a livré, les uns, pieds et poings liés, à un néocapitalisme financier qui s'est engouffré dans la béance politique; les autres, touchant du doigt l'absence de réactions, ont accentué la main mise de la finance, de l'économie, sur l'ensemble des sociétés. Une sorte de chaos s'ensuit, dans tous les domaines. Les gouvernements faibles et  impuissants, sur tous les plans ,gèrent les diktats des banques et des marchés ( avec L'Europe en figure de proue, pour ce qui nous concerne) en surfant sur les nouvelles donnes sociologiques,politiques et individuelles.

Voici quelques éléments du paradigme chaotique postmoderne:

- perte des repères culturels, politiques et idéologiques;
- hyperconsommation;
- individualisme triomphant;
- désenchantement et peurs;
- recherche désespérée de la forme et du plaisir;
- conformisme hédoniste;
- regroupements identitaires;
- apparition de "nouvelles cultures" coupées de l'humanisme;
- haine de la culture historique (clle que l'on apprend dans le système scolaire par exemple);
- relativisme exacerbé et absence de toute transcendance.



Massachussets Intitute of Technology (architecture postmoderne)
  Zigmunt Bauman rappelle dès le début de son ouvrage, "La vie en miettes" que la moralité possède "un statut primitif" et que celle-ci existe bien avant l'éducation et la mise en place chez la personne des règles de conduite promues par la société: "Nous sommes existentiellement des êtres moraux: en d'autres termes confrontés au défi de l'Autre, le défi de la responsabilité de l'Autre qui conditionne l'être-pour." Cela ne concerne pas la question d'une bonté fondamentale ou d'un mal de la même espèce mais plus précisément la liberté humaine de choisir entre le bien et le mal.

A l'époque pré-moderne, les principes moraux étaient religieux. Le projet moderne a remplacé le problème du péché et de la culpabilité assorti d'une hypothétique rédemption, par la loi comme code éthique, offrant ainsi une certitude a priori, dans le choix des actions, le bien étant défini comme l'obéissance aux règles. L'individu, l'acteur moral est délivré de l'ambivalence produite par l'alternative du choix, étant donné que des organismes supra-individuels déterminent ce qui est permis ou interdit.

Le désenchantement, la fin des idéologies, le fait que l'individu (plutôt que le citoyen), n'attend plus le salut de la société et qu'il considère "l'alternative communautaire" comme suspecte, l'a projeté dans le réseau serré de l'économie de marché, "au coeur de la guerre publicitaire" et de "la tyrannie du choix" comme le dit l'auteur qui n'est plus une compétence morale mais qui correspond à "un savoir-faire appliqué aux achats" et aussi à l'aptitude à bouger (à la recherche cette fois-ci d'un éventuel bonheur). Le sociologue dénonce une "intoxication par l'énergie" et cite Paul Valéry:

"L'homme donc, s'enivre de dissipation. Abus de vitesse, abus de lumière, abus de toxiques, de stupéfiants, d'excitants, abus de fréquence dans les impressions, abus de merveilles.."

                                                     

 Texte complémentaire: résumé d'un article du sociologue allemand, Harmut Rosa, paru dans Philosophie Magazine de juillet et août 2011, intitulé: "Les vacances participent de l'accélération généralisée".

A la question de savoir si l'été est un moment de décélération, le sociologue répond qu'effectivement, en cette saison, se produit une décélaration collective: les gens se rendent à la mer, à la montagne, dans des sites naturels "censés symboliser la lenteur". Mais, comme le signale l'auteur, le doute est présent, justement, face à ces sites qui malheuseusement affichent souvent les stigmates du réchauffement, par exemple: le touriste se pose la question, en principe, de la bonne santé de la planète. D'autre part, les vancaces seraient en fait une "décélération stratégique et fonctionnelle" afin d'être en forme pour le travail durant le reste de l'année. En fait, en relançant l'énergie, les vacances seraient plutôt "un ingrédient de l'accélération" (et une excellente occasion pour l'industrie touristique de ponctionner abondamment le touriste en question).

La modernité, on y revient, depuis la première révolution industrielle, a reposé sur "une logique de l'augmentation": produire davantage de richesses mais cette logique d'accumulation capitaliste se heurte au cadre temporel, qui est immuable et à la surface de la planète, qui n'est pas extensible.
Cette logique d'accélération se comprend pour un pays comme la Chine mû par le désir d'accéder à une société d'abondance. L'Europe par contre n'a, de toute évidence , aucun but tangible, sinon celui "de pédaler plus vite afin que la bicyclette ne tombe pas" et l'auteur continue la métaphore dans le domaine de la natation, cette fois-ci: "Dans la première phase de la modernité, il y avait une île dans l'océan et vous deviez nager pour la rejoindre. Pour les Européens d'aujourd'hui, il n'y a plus d'île; il faut nager ou se noyer."

L'auteur pense que l'antidote est de trouver "une réponse du monde", ce qui laisse songeur et permet d' envisager un certain temps encore à faire la brasse. L'antitode se trouverait plutôt du coté d'hommes politiques et de capitaines d'industrie conpétents, capables d'imaginer et de mettre en place un projet européen cohérent et pratique, au lieu de nager, dans des maillots à étoiles, en gesticulant avec des sourires crispés, à la remorque des Chinois, des marchés, des banques, des multinationales et de la mondialisation.

                                             



                                                  
                                                         



                                                           

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