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dimanche 17 juillet 2011

Zigmunt Bauman, "La vie en miettes", les peurs postmodernes,1ère partie

La peur

L'humanité connaît la peur et chaque période historique présente ses peurs spécifiques. Pourtant, les menaces, à l'origine de celle-ci, sont toujours les mêmes. Bauman cite Freud à ce sujet. Le père de la psychanalyse distingue trois types de peur:

- la peur liée au corps, destiné à la déchéance et ses signes associés, la douleur et l'angoisse;
- la peur liée à l'extérieur, au monde et aux forces invincibles qui peuvent nous anéantir;
- la peur qui provient de nos rapports avec les autres.

Voici ce que dit l'auteur, en sociologue donc, sur les stratégies sociétales face à la réalité indépassable pour la personne normalement consciente: "être humain signifie aussi vivre avec la peur":

" Le principe constant de toutes les stratégies utilisées au cours de l'histoire pour rendre vivable la vie flanquée de la peur consistait à déplacer l'attention des choses pour lesquelles on ne peut rien, à celle que l'on peut bricoler; et de faire consommer à ce bricolage assez d'énergie et de temps pour qu'il reste le moins de place possible pour les soucis concernant les choses qu'aucun bricolage ne peut changer. De petits répits échangés contre quelques piécettes permettaient de retarder le moment de la confrontation avec l'insolvabilité existentielle. Chaque époque frappait ses propres piécettes, de même qu'elle indiquait quels répits valaient la peine d'être recherchés et lesquels  il était impératif de rechercher." Z. Bauman, ibid, p. 65.

      
Les peurs modernes

L'effondrement de l'Ancien Régime provoque l'incertitude, l'absence de compréhension, à partir de la perte d'un sens séculaire et, la recherche  d'une voie, dans le but de perpétuer la société, afin qu'elle ne sombre pas dans le chaos. Si on replace cette remarque dans le contexte actuel des Révolutions Arabes, la même incertitude et la même problématique se posent: et après? D'autres régimes autoritaires, notamment militaires? Des dictatures religieuses? Un retour à un système tribal? Le vide laissé par la disparition de l'ordre séculaire devait être, pour ce qui concerne l'Occident donc, comblé par un autre ordre plus rationnel et unifié (puisque l'Ancien Régime se caractérisait par une surveillance diffuse- l'Eglise, la noblesse terrienne et les différents pouvoirs des provinces).

Une rationnalisation de l'autorité et sa centralisation donna naissance à ce que Michel Foucault appela le Panoptique moderne dont les outils fonctionnels étaient "les écoles, les casernes militaires, les hôpitaux, les cliniques psychiatriques, les maisons de corrections, les usines et les prisons". 

L'auteur dit à ce sujet:
" Toutes ces institutions étaient des usines d'ordre: comme toutes les usines, elles étaient des lieux d'activité résolue, calculée pour façonner un produit conçu à l'avance-dans leur cas, cela consistait à rétablir la certitude, éliminer le hasard, rendre les comportements des pensionnaires réguliers et prévisibles, en un mot, certains, là encore." Bauman ibid, p. 67. 

L'objectif était selon le mot de Bentham "le bonheur pour le plus grand nombre" et excluait la méchanceté, le dépit ou la misanthropie. Cette organisation, cette discipline a mis fin à l'incertitude, par la mise en place de forces extérieures à l'individu, "des forces du dehors" comme le dit Bauman.
Cette organisation de la société a restreint le domaine du choix individuel en même temps que s'élargissaient les possibilités théoriques et abstraites, ce qui avait pour conséquence d'augmenter du même coup, le volume des anxiétés et des peurs, conduisant les individus "à un domaine de choix réalistes et pas trop onéreux- domaine qui apparaît comme le mieux à même d'être, dans l'intérêt de celui qui doit le choisir et, dès lors a le plus de chance d'être choisi" ibid, p. 68.
Bentham remarque avec réalisme:
"Si un homme refuse de travailler, il ne lui reste plus qu'à manger son pain sec et boire son eau, du matin jusqu'au soir, sans personne à qui parler."

L'individu avait donc le choix entre "une inactivité déshumanisante et mesquine et un emploi salarié déshumanisant et mesquin, cette dernière option a aussi toutes les chances d'être choisie et la certitude reprend le pouvoir-ou presque." ibid, p. 68.


Maintenir l'ordre était le but de la législation moderne et plusieurs institutions oeuvraient dans ce sens: l'armée, avec l'obligation du service militaire, l'éducation et l'allongement progressif de la scolarité et, le fait que les moyens d'existence individuels étaient liés à l'emploi. " l'un dans l'autre, les usines d'ordre et de certitude au triple objectif de surveillance, d'exercice et de discipline, surveillaient toute la durée de vie d'un homme, à l'execption des petites périodes, au commencement et à la fin." ibid,...
Les femmes étaient placées sous la surveillance du "chef de famille" (expression largement utilisée jusque dans les annnées 60 environ); la famille ayant le rôle d'un organisme de surveillance complémentaire. Foucault qualifia "la puissance panoptique" de "capillaire"  car elle était élargie à toutes les cellules de la société.
Les hommes étaient jugés, dans leur grande majorité, selon leur aptitude à être enrolés dans l'armée ou dans l'usine et ainsi était établie la norme de la force, de l'infirmité et de la maladie. La grande peur des politiciens, des médecins, des enseignants concernait "la dégradation physique, réelle ou prétendue de la population".

L'individu lui éprouvait la peur de se brouiller avec la norme ( à ce niveau, il me semble d'ailleurs que les débats entre le normal et ple pathologique furent un des symptômes de la fin de la période moderne, l'idée de normalité étant facilement définie, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui); être deviant, être soumis à la punition consécutive, être privé d'emploi constituait l'essentiel du "souci" de l'homme moderne.
Il s'agissait d'une société codifiée, de façon normative, unifiant les comportements individuels qui ne ouvaient s'exprimer volontairement que par "une recherche active de la norme et de l'instruction, au-travers de l'irrésistible désir de se conformer, d'être comme les autres et de se conformer, d'être comme les autres et de faire ce qu'il faut. "
à suivre                                                                                                                                                                                                 
                                                                                       
Video ci-dessous: l'effet mouton (The sheep effect)



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