Il faut, pour comprendre Michel Onfray, pénétrer, connaître, l'essentiel de la pensée de Friedrich Nietzsche. Je ne m'attarderai pas sur la biographie celui qui philosophait à " coups de marteau" que l'on trouvera sans peine sur Wikipédia. Cependant, j'aimerai signaler que la folie de Nietzsche, qui sert d'argument massue à ces détracteurs, était due à la syphilis contractée pendant ses années d'étude, et que cela ne remet pas en cause la validité de sa pensée; au contraire: elle a, selon moi, servi d'aiguillon, de moteur, à la formulation d'une philosophie nouvelle et rebelle dont on a pas encore mesuré la véritable portée pour l'homme, toujours empêtré, jusqu'au cerveau des vieilles certitudes, qui conduisent aux catastrophes que l'on connaît et que nous serons amenés à connaître. Incessamment sous peu, semble-t-il.
Voici donc quelques concepts nietzschéens agrémentés de quelques commentaires et illustrations textuelles et iconiques et souvent ironiques (ouch!).
Quelques coups de marteau nietzschéens
La mauvaise conscience
Pour Nietzsche, la conscience morale n'est pas transcendantale, située dans le Ciel des Idées ou donnée par commandements divins , ni inconditionnée et détachée de la réalité historique et sociale. Elle n'est pas, non plus, le produit d'une réflexion individuelle ou collective, dans le sens où des hommes auraient pu se mettre au travail pour formuler des règles de conduite propres à faciliter les comportements humains. La morale est au contraire le produit de la culture et, plus précisément une construction imposée par ceux qui ont pris le pouvoir pour en retirer les avantages et dominer le reste de l'humanité. Une des premières conséquences, nuisibles à l'homme, est l'apparition d'une véritable maladie psychique qui inhibe la véritable activité l'obligeant ainsi à s'intérioriser et rendant celui qui la vit incapable, entre autre, de se poser en tant que rebelle aux pouvoirs qui asservissent.
Cette mauvaise conscience a mis un terme à l'état de nature qui se caractérisait par le fait qu'une horde d'individus forts et violents imposaient leur loi au groupe des faibles. Cela peut paraître salutaire mais cela a mis un terme à la spontanéité naturelle, à l'instinct, à l'insouciance pour laisser la place à cette manie désastreuse de l'introspection et à l'habitude calamiteuse de la réflexivité. Ainsi, sous le joug de cette morale de "faibles", établie par les hommes du ressentiment, ceux du combat contre la vie joyeuse et naturelle, les "forts" se sont affaiblis, ont été rendus malades, en étant mis en position de se reprocher ce qu'ils étaient. Les valeurs nobles ont été combattues et notamment, la honte a été associée à la satisfaction des instincts naturels et ainsi est née cette contradiction physiologique interne qui tel un "ver rongeur" met fin à l'innocence.
Nietzsche nomme "dyspepsie" cette incapacité qui hypothèque l'agir: l'homme ne parvient plus à assumer ses actes et se scrute sans arrêt soi-même, dans un ruineux et douloureux regard. La conscience est devenu un tribunal, les idéaux ascétiques dominent l'existence et, interdisent l'exercice de la vie naturelle.
" Je tiens la mauvaise conscience pour cette maladie grave à laquelle l'homme a dû succomber à la suite de la transformation la plus profonde qu'il ait jamais vécue, cette transformation qui s'est opérée lorsqu'il se retrouva définitivement captif sous le joug de la société et de la paix. Tout comme les animaux marins qui se virent contraints à devenir terrestres, soit de disparaître, ces êtres demi-animaux qui s'étaient adaptés avec succès au monde sauvage, à la guerre, à l'aventure, d'un coup, tous leurs instincts furent dévalorisés et suspendus. Il leur fallait désormais se tenir sur leurs pieds et se porter eux-mêmes, alors que jusqu'ici l'eau les portait: une pesanteur terrible les accablait, ils n'avaient plus leurs anciens repères dans ce nouveau monde inconnu, à savoirs les pulsions régulatrices qui les guidaient en toute sécurité et inconscience; ils en étaient réduits à penser, à inférer, à calculer, à combiner les causes et les effets, ces malheureux, réduits à leur conscience, leur organe le plus misérable, le plus trompeur....il leur fallait chercher des satisfactions nouvelles et en quelque sorte souterraines. Tous les instincts qui ne se déchargent pas vers l'extérieur se tournent vers l'intérieur, c'est là ce que j'appelle l'intériorisation de l'homme: c'est alors que pousse en l'homme ce qu'on appellera plus tard son âme. Tout le monde intérieur, aussi mince à l'origine que s'il était tendu entre deux membranes, s'est élargi et gonflé..." Nietzsche, Généalogie de la morale
" Ces bastions effrayants, au moyen desquels l'organisation étatique se protégeait contre les antiques instincts de liberté - les châtiments sont les premiers de ces bastions-, ont fait que tous ces instincts de l'homme sauvage, libre et nomade, se sont retournés contre l'homme lui-même. L'hostilité, la cruauté, le plaisir de traquer, de contrecarrer, de détruire - tout cela se retournant contre les détenteurs de ces instincts: voilà l'origine de la mauvaise conscience. L'homme qui, à défaut d'ennemis et de résistances extérieures, engoncé dans l'étroitesse oppressante et la régularité de la coutume, se déchirait impatiemment, se traquait lui-même, se rongeait, se fouaillait, se maltraitait, cet animal qui ne laisse pas de se blesser aux barreaux de sa cage, que l'on veut domestiquer, ce nécessiteux que dévore la nostalgie du désert, contraint de faire soit une aventure, un lieu de supplice, une jungle inquiétante et dangereuse, ce fou, ce prisonnier nostalgique et désespéré devint l'inventeur de la mauvaise conscience." ibid
Ainsi, Nietzsche montre comment et à quel prix s'est formée l'âme, c'est à dire par le combat contre soi-même, jusqu'à la division, par le sacrifice de certains instincts. C'est l'origine du refoulement, de la castration psychique et ainsi, l'élaboration d'un monde intérieur, médiateur de la réalité, l'exercice de la réflexion, du jugement, de la mémoire, de la méditation et de l'examen critique de soi devient un monde intérieur survalorisé par rapport au monde pulsionnel, jusqu'à avoir honte de celui-ci..
Michel Onfray nous parle de Nietzsche: "Il n'y a pas de vérité, il n'y a que des perspectives."
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