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lundi 25 octobre 2010

Marc Richir, "Le nulle part me hante"


Marc Richir est un philosophe belge qui pratique la philosophie comme l'escalade. Son  oeuvre qui se situe au croisement de Husserl et Dostoïevski est centrée sur l'expérience du sublime, ce moment où nous ressentons ce qui nous dépasse (du moins pour certains d'entre nous).

La fuite de la ville

Lecteur des philosophes dès l'adolescence, Marc Richir découvre Dostoïevski à l'âge de 17 ans. La lecture de Crime et châtiment est pour lui un choc et le fait s'orienter vers la philosophie. Cependant il fait des études de physique et travaille à l'Institut d'Astrophysique de Liège dans un premier temps croyant que les mathématiques à l'oeuvre en sciences physiques constituent le fond de la réalité.
Plus tard, la lecture de la Critique de la raison pure de Kant le fera changer d'avis; sa croyance dans les mathématiques s'effondre et il comprend, comme le dit Kant que: "Nous ne connaissons des choses que ce que nous y mettons nous-même." Les mathématiques ne donnent pas accès à une réalité objective et transcendante: la réalité est soutenue par ce que Kant appelle "les conditions de possibilité de connaissance" qui précèdent l'expérience que nous faisons des choses.
A 22 ans, il interrompt la recherche en physique et entre de nouveau à l'université pour faire des études de philosophie et quelques années plus tard, il entre au FNRS l'équivalent de notre CNRS pour être chercheur dans cette discipline. Il choisit, par la suite, de vivre en Provence "pour fuir la foule et ce que Baudelaire appelait la tyrannie de la face humaine qui m'oppresse et m'empêche de penser dit-il lors d'une interview au magazine Philosophie du...........
"Je retrouve ici une Méditerranée proche de la Grèce qui, philosophiquement, est ma source première. Je ne quiterrais ce pays pour rien au monde."
Marc Richir partage son temps entre la campagne aixoise et le pied du Mont Ventoux depuis des décennies et organise dans ces lieux des séminaires pour des chercheurs venus du monde entier.

                                                      


La conscience et le monde

Marc Richir propose une réélaboration du projet phénoménologique de compréhension du rapport entre la conscience et le monde emtamée par Husserl et poursuivie par Sartre, Merleau-Ponty et Emmanuel Lévinas.
Il fait un retour à la philosophie première, celle qui recherche les principes des grandes notions: la pensée, le temps, le langage, l'imagination, l'histoire, l'affectivité et le corps, le sublime et la transcendance,le bien et le mal. "L'énigme du sens est qu'il se perd plus facilement qu'il ne se gagne et qu'il n'en existe nulle part de maître." affirme t-il afin de problématiser sa recherche.
A mon sens cela est vrai non pas seulement dans les grandes questions de la philosophie première mais dans tous les domaines de la vie; n' a t-on pas perdu aujourd'hui le sens de la vie sociale qui fondait une société?
Selon Marc Richir, Husserl est le père fondateur de tous les philosophes du XXème siècle. C'est le philosophe qui a relancé la "démarche transcendatale" de Kant qui consiste à ne pas  interroger le réel mais le rapport de soi au réel.
Husserl propose la méthode la plus radicale pour reprendre à la racine la question de notre rapport au monde. Cette démarche s'appuie sur ce qu'il appelle la réduction, la suspension du jugement, l'épokhé. Il s'agit de mettre hors circuit la positivité des choses mais aussi de soi-même qui les pense ou les imagine afin de découvrir comment la conscience les vise.
Ce lien entre la pensée et l'objet que Husserl appelle la visée intentionnelle ne se trouve ni dans la tête de l'homme, ni dans l'objet, il est nulle part dans l'espace.
"Ainsi par exemple, quand j'écoute une mélodie, la musique distincte des sons n'est ni dans l'espace physique, ni dans ma tête, parce qu'il ne suffit pas que je vise les sons pour entendre une musique. Ou encore, lorsque je perçois un champ de lavande au cours d'une promenade, cette perception ne se trouve ni dans l'objet, ni dans ma tête. Elle est nulle part dans l'espace. Ce nulle part, ce rien que phénomène me hante."

                                          
                                                    Petit paysage de nulle part (mireil.artblog.fr)
                                                     

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