Présentation
Amartya Sen est né en 1933 à Santiniketan au Bengale dans une famille d'universitaires. Il a fait des études d'économie et de philosophie à l'Université de Calcutta et à Cambridge.
Prix Nobel d'économie en 1998, membre de "la commission Stiglitz" en 2008 sur la mesure des performances économiques et du progrés social, il est l'auteur de nombreux ouvrages de renommée internationale dont on peut citer: "Ethique et économie, Puf, 1993." "La Démocratie des autres, Rivages poche, 2005.", "Identité et violence, Odile Jacob, 2007." et un rapport passé plutôt inaperçu pour cause de dogmatisme libéral de la plupart des médias, "Richesse des nations et bien-être des individus." en collaboration avec Joseph Stiglitz et Jean-Paul Fitoussi qui est le résultat des travaux sur la mesure des performances économiques et sociales dont la proposition phare est la multiplication des indicateurs sur lesquels se fondent les décisions politiques et qui pose également la question de la "soutenabilité", c'est à dire la possibilité de maintenir le niveau actuel de bien-être pour les générations à venir. Ce qui n'est pas gagné.
Eléments de biographie
Amartya Sen a été très marqué par la situation de grande famine qui a frappé son pays en 1943. Très jeune à cette époque, il était déjà le témoin de l'obsession de ses compatriotes de se libérer de la domination des Anglais qui pratriquaient la détention préventive, pour des raisons politiques.Alors qu'il avait 9 ans, les Japonais s'étaient emparés de la Birmanie et bombardaient Calcutta, privant du même coup les Britanniques des récoltes birmanes nécessaires, notamment à l'approvisionnement de leurs troupes. En s'appropriant à n'importe quel prix les ressources alimentaires de la région les occupants furent à l'origine d'une famine désastreuse qui se solda par 2 à 3 millions de morts.
L'aide aux populations ne fut apportée que quelques mois plus tard lorsque la presse osa défier la censure.
Ce fut pour Sen le point de départ de sa réflexion et de son engagement humaniste. Il dit à ce sujet:
" Seuls les pauvres étaient touchés. Ensuite je n'ai pas compris comment un phénomène aussi massif pouvait être stoppé...dés lors que le gouvernement était mis en demeure de s'en occuper. J'en ai tiré une leçon sur l'absence de famine en démocratie... Enfin, il m'a fallu des années pour comprendre le rôle fondamental d'un espace public dans la prévention des catastophes de ce genre." (Philosophie, novembre 2010,p. 60.)
La théorie du choix social
Sen est influencé par Condorcet, mathématicien, penseur social et philosophe et aussi par Adam Smith et plus tard par Kant, Marx et John Stuart Mill qui ont réfléchi à la façon dont se passe la vie des gens dépendant des valeurs, des autorités, des choix, des posssibilités qui leurs sont offertes. Il en retient deux enseignements: " D'une part ne pas se concentrer sur les institutions, mais d'abord sur les existences réelles que les gens parviennent ou ne parviennent pas à vivre. D'autre part, ne pas se concentrer sur la définition d'une société parfaitement juste, mais privilégier l'exercice pratique: comment éliminer l'injustice." ( ibid, qui est une locution latine qui signifie "au même endroit", là c'est le prof qui ressurgit.)
La théorie du choix social remonte aux Lumières lorsque apparaît la volonté de construire rationnellement l'ordre social afin d'éviter l'arbitraire et l'instabilité et de trouver des procédures efficaces et démocratiques.
Dans les années 1950, un économiste, Kenneth Arrow, auteur de "Choix collectifs et préférences individuelles" donne à ce type de recherches des fondements scientifiques en définissant les conditions que doit respecter toute procédure de décision sociale, le vote, le marché, l'évaluation économique.. et aboutit selon le mot de Sen à des résultats "ahurissants": il est impossible que les décisions collectives intègrent réellement les souhaits individuels.
Nous sommes là au coeur même de la problématique sociale.
L'enjeu du choix social
L'enjeu du choix social est de déterminer s'il existe des procédures capables d'agréger, de rassembler les préférences individuelles de manière relativement rationnelle, c'est à dire d'imaginer dans quelles conditions une colllectivité puisse classer des états sociaux en se fondant sur les préférences individuelles.
( source, Encyclopédie Universalis en ligne)
L'apport d'Amartya Sen
Sen enrichit donc cette recherche en direction de la théorie du choix social par
la prise en compte d'un certain nombre d'idées, de préoccupations comme la définition de l'inégalité, l'opposition à l'utilitarisme,
la place des droits et des libertés dans l'évaluation du bien-être colllectif ce que ne peut faire que très incomplètement des indicateurs comme le PIB, la balance extérieure du commerce ou les cours de la Bourse, bien que ceux-ci restent valables tout en étant très incomplets.
Selon Arrow, qui formule l'impossibilité de trouver une procédure de choix collectif et rationnel, les raisons en sont:
- l'ordinalité, on ne peut pas établir d'indicateurs qui tiennent compte de l'intensité des aspirations individuelles et collectives;
- l'universalité, toutes les préférences sont possibles;
- le refus politique des coparaisons interpersonnelles entre les préférences.
Sen étudie les possibilités d'aller au delà de cette théorie: "
Mon travail a consisté à intégrer à la théorie du choix social des éléments d'éthique ou de justice sociale. Les individus ne raisonnent pas qu'en terme d'utilité, mais aussi de justice. Et ils ont des critères de justice différents. Souvent on réfléchit à ce qui arrive à un groupe entier. Mais nous sommes des êtres individuels. Nous avons des intérêts, des valeurs et des jugements différents. Il faut partir des individus pour arriver aux jugements sociaux, des jugements sur le bien-être social ou sur la liberté offerte par une société." (ibid)
à suivre
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