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dimanche 22 janvier 2012

Freud or not Freud?



Jean-Bertrand Pontalis, psychanalyste et écrivain: "comprendre celui que l'on a été avant de venir à la parole".


Selon Pontalis, auteur du fameux Vocabulaire de la psychanalyse avec Jean Laplanche, que tout honnête homme de cinquante ans  n'ayant pas réussi dans la vie se doit de posséder, dénonce l'incertitude du Moi que la culture du narcissisme érige en valeur absolue. Le "moi je" est le symptôme de l'incertain, de l'affirmation d'une opinion commune et d'une absence de pensée. Freud dit au sujet de ce moi-vitrine: "Le moi joue le rôle de stupide  auguste qui met son grain de sel partout pour que les spectateurs croient que c'est lui qui dirige tout ce qui se passe". Pontalis explique clairement au début de l'article concernant le Moi, que celui-ci du point de vue topique est "dans une relation de dépendance à l'endroit des revendications du ça et des impératifs du surmoi  et des exigences de la réalité. Bien qu'il se pose en médiateur, chargé des intérêts de la personne, son autonomie n'est que toute relative."
Cela n'expliquerait-il pas les "formidables" erreurs humaines?

     

Selon ce spécialiste de Freud, l'homme est "empêtré dans la glu du "on" alors qu'il affirme la souveraineté du moi.". La psychanalyse n'est pas une confession laïque où, l'analysant à l'instar du croyant se contenterait de s'accuser de ses fautes, mais une recherche de la part inconnue de soi. Par sa méthode, en grande partie associative, les éléments refoulés sont réactivés et analysés, de façon à prendre conscience que sa propre histoire recèle plusieurs versions possibles et qu'il ne s'agit pas d'avoir l'illusion de ceci ou de cela,  et la plupart du temps, d'en faire pâtir son entourage ou des nations entières.
Il ne s'agit pas d'une méthode introspective qui se caractérise par le postulat d'une lucidité vis à vis de soi-même; c'est précisément ce que refuse la psychanalyste qui, en cela s'oppose à Descartes et Sartre. L'analysant avance "sans boussole" en direction de rivages étrangers, contrairement à la réflexion cartésienne qui recherche et qui trouve dans le cogito la maîtrise de soi.
L'existence de l'inconscient inconnaissable selon Freud rend le soi méconnaissable et l'identité incertaine.Le but de l'analyse est d'assumer ses propres fragilités et cela est important car dans cette perspective, la personne évite le dogmatisme morbide vis à vis d'elle-même et vis à vis des autres.

La théorie et la méthode psychanalytique constituent un apport fondamental en ce qui concerne la distinction entre le "je" et le "moi" lequel est "l'ensemble des identifications imaginaires auxquels un sujet s'attache". Pontalis rappelle que cette distinction existe chez les philosophes. Sartre considère que le moi est un objet: "L'ego est au-dehors dans le monde, c'est un être au monde, comme l'ego d'autrui", La transcendance de l'ego, Sartre, 1936. Lacan pense que le moi est un "assemblage d'identification auquel chacun essaie de donner une unité", Lacan, Le Stade du miroir, 1949.
Winnicott, le psychanalyste anglais, distingue le vrai self et le faux self, ce dernier étant une sorte de masque, que nous choisissons de montrer aux autres, afin que cela soit conforme à ce que l'on attend de nous. La vérité se montrant lorsque le moi est en difficulté. C'est ce que nous disons communément: "Ils nous a montré son vrai visage."   

Donald Winnicott, pédiatre et psychanalyste anglais, 1896, 1971
 

   La psychanalyse est par ailleurs un processus étrange: "Pourquoi ai-je besoin d'un autre qui m'est inconnu pour découvrir ce que je suis? L'analyse n'est pas une conversation entre deux personnes qui se connaissent, mais un échange entre deux inconnus qui va donner accès à l'inconnu qui est en chacun, y compris l'analyste." Pontalis, entretien avec Martin Legros, Philosophie,2012. Cette question de l'autre inconnu n'est pas aussi étrange que Pontalis l'affirme, en effet, n'est-ce pas par l'intermédiaire d'autres, plus ou moins connus ou inconnus, que l'on progresse ou avance dans la connaissance ou dans la vie: les parents, les professeurs, les maîtres, les entraîneurs, les médecins, l'ami ou le conjoint..? Ne dit-on pas communément encore: "Elle l'a révélé a- lui même" ou quelque chose de cette teneur. L'Autre comme révélateur.

On peut considérer que la psychanalyse s'inscrit dans la quête d'un soi, dans une tradition littéraire qui va de Montaigne à Rousseau, sans oublier toutes les écritures contemporaine du "je" qui montrent que le moi est "ondoyant et divers". C'est ainsi que Platon qualifiait les Sophistes capables de démontrer quelque chose et son contraire. Selon Pontalis: "Le soi n'est pas un sujet mais une position au sein d'un territoire psychique qui comporte des plans cachés. C'est un point de vue que l'on retrouve dans la psychanalyse. La catégorie du moi est une catégorie topique: ce n'est pas une réalité positive mais une instance qui se conjugue avec d'autres instances pour former l'architecture générale du psychisme. On pourrait parler d'une géographie plus qu'une topologie. Le soi est un paysage que nous n'avons jamais fini d'explorer." Ibid.


                                                                     
                                                                                                         

La quête de soi, du point de vue psychanalytique  n'est pas un renforcement du narcissisme mais plutôt une "mise à distance" de son moi dans le but d'aboutir à un "je" plus véritable. L'analyse dit justement Pontalis se situe du côté de l'"alètheia", ce beau terme grec qui est formé du préfixe a, avec le sens de négation et de lèthè qui signifie oubli. En fin de compte l'analyse se situe du côté de la recherche de la vérité, du dévoilement et Pontalis rapelle à propos de ces premières années de vie si importante pour la psychanalyse, en parlant de "l'infans", c'est à dire "ce moment jamais totalement perdu, où nous avons eu accès au monde sensible" qu'il oriente notre vie et que "l'infans n'a pas d'âge: "Il est en chacun de nous. Il essaie de se faire entendre ce qui est muet".
Les chemins qui s'offre à nous sont multiples: faut-il se tourner vers l'extérieur ou au contraire se plonger dans son intérieur ou encore se raconter? C'est l'objectif de cette modeste synthèse qui nous entraînera du côté de Sartre et de Michel Onfray. A suivre donc. 





                                                                                                                                                                                                                                           

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