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jeudi 8 décembre 2011

Le malaise dans la culture, le point de vue de Freud


La religion expliquée par la psychanalyse

La religion offre un "système de doctrines et de promesses" qui permet une vision du monde exhaustive et console des malheurs éprouvés sur terre en offrant une perspective d'une vie dans l'Au-delà. Freud précise que "l'homme du commun ne peut représenter cette Providence qu'en la personne d'un père élevé jusqu'au grandiose". En effet, le père est, en principe, plein de sollicitude pour son enfant, il est sensible à ses marques d'affection et à son obéissance.Le Dieu, ou ses divers représentants, sont l'expression de la "dérivation de la dépendance infantile" et, le désir du père qu'elle éveille, sont irréfutables "cela en raison de la peur éprouvée face à la puissance supérieure du destin". La religion est la "précipitation" au sens chimique du terme de l'expérience faite par l'enfant du sentiment d'impuissance, de dépendance et de menace face à l'autorité extérieure de ses parents et, par conséquence elle est une réponse au malheur humain qui offre à l'adulte de multiples facettes tout à fait propres à réactiver la perception enfantine.
En ces temps de tensions mondiales, de guerres, de crise économique et sociales, d'affaiblissement des états, de pertes des valeurs, on comprend bien que beaucoup d'hommes et de femmes trouvent ou retrouvent, dans la religion cette puissante consolation, devant une vie trop lourde et apportant "trop de douleurs, de déceptions, de tâches insurmontables" comme le dit Freud au second chapitre de son ouvrage, et il cite la phrase de Théodore Fontane: "Cela ne va pas sans constructions de secours"

Une image rassurante du père
                                                                   
Un point de vue philosophique sur la religion

Objectivement, une religion se présente comme une société particulière ayant des racines historiques et géographiques déterminées et qui se caractérisent par des règles et des pratiques érigées en prescriptions absolues. Ces comportements observables et mesurables sont à l'origine d'un problème politique, celui des rapports d'une partie des citoyens avec les autres composantes de la société civile. Jean-Jacques Rousseau, au chapitre IV de son ouvrage, Du Contrat social analyse la problématique ainsi posée. D'emblée l'état théocratique est condamné:
"Mais je me trompe en disant république chrétienne, chacun de ces deux mots exclut l'autre. le Christianisme ne prêche que servitude et dépendance. Son esprit est trop favorable à la tyrannie pour qu'il n'en profite pas toujours"
Le droit est l'émanation d'un besoin public et les dogmes religieux  ne doivent pas participer à son élaboration: "Le droit, que le pacte social donne au souverain sur les sujets, ne passe point comme je l'ai dit, les bornes de l'utilité publique. Les dogmes n'intéressent ni l'Etat ni ses membres."
C'est une profession de foi civile qui cimente une société: "Il y a donc une profession de foi civile dont il appartient au souverain de fixer les articles, non pas précisément comme dogme de religion, mais comme sentiment de sociabilité sans lequel il est impossible d'être bon citoyen ni sujet fidèle."
L'intolérance est dénoncée: "Il est impossible de vivre en paix avec des gens qu'on croit damnés; les aimer serait trahir Dieu: il faut absolument qu'on les ramène ou qu'on les tourmente. Partout où l'intolérance théologique est admise, il est impossible qu'elle n'ait pas quelques effets civils et sitôt qu'elle en a, le souverain n'est plus souverain, même temporel; dès lors, les prêtres sont les vrais maîtres, les rois ne sont plus que leurs officiers."

Le procès de Galilée
 Subjectivement, le fait qu'une religion soit vécue de l'intérieur et que sa pratique soit justifiée  par une croyance en une relation fondamentale avec Dieu, entre la créature et son Créateur, dans l'intériorité du sujet, pose le problème d'un rapport avec un Etre absolu et c'est ce rapport que refuse l'agnosticisme qui considère que l'absolu est inaccessible à notre connaissance et que part conséquent, les spéculations théologiques ou métaphysiques sont vaines.
Ce qu'il y a d'essentiel dans toute religion est la pensée du divin, du sacré, de l'inconditionné, de l'inconditionnel en un mot de l'absolu. C'est cette revendication du vrai et du bien , dans une révélation historique qui engendre les difficultés et les contradictions propres au problème religieux. La vérité d'une religion se présente comme une vérité absolue révélée par Dieu lui-même et ses prophètes et les devoirs prescrits sont des commandements absolus. A ce titre, les religions se placent hors de portée de toute juridiction supérieure, au-dessus de tout pouvoir politique, hors d'atteinte de toute critique et au-delà du champ et de la recherche de la rationalité: "credo quia absurdum", "je le crois parce que c'est absurde (Tertullien). Cette prétention rend les religions suspectes ou insupportables à la rationalité scientifique mais aussi au pouvoir politique qui, le plus souvent cherche à s'en accommoder en redoutant fort justement le fanatisme.  

Guerre de religion entre Catholiques et Protestants
 Dieu est présenté comme cause ultime des phénomènes: chaque phénomène a une cause, celle-là une autre, celle-là une autre encore et comme il faut bien s'arrêter quelque part, une cause première est posée, c'est Dieu, comme "premier moteur de l'univers" selon la phrase de Saint Thomas empruntée à Aristote et celui-ci rajoute: "Il faut arriver à un premier moteur qui ne soit mû par nul autre et tout le monde comprend que cela est Dieu". Philosophiquement, on peut penser que l'univers est contingent, qu'il ne possède pas en lui-même sa raison d'être et se poser la question: "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien du tout?". La réponse à cette question est que Dieu est l'Etre nécessaire qui justifie la raison d'être du monde.
Cette argument par la causalité, Dieu est invoqué pour clore le débat de l'existence du monde, a été critiqué par Kant.

Selon ce philosophe des Lumières, la raison, l'esprit humain, peut faire un usage légitime ou illégitime de la catégorie de causalité. Si on dit que l'échauffement d'une barre de métal est la cause de la dilatation de celle-ci, la catégorie de cause est utilisée en droit, les deux phénomènes, échauffement et dilatation étant donnés dans l'expérience et il suffit de les relier par le lien de causalité. Par contre, quand l'esprit humain avance que Dieu est la cause du monde, un seul terme de cette relation, c'est à dire le monde est donné par l'expérience et l'autre est supposé de toutes pièces. La raison a le droit d'utiliser la catégorie de cause pour relier deux phénomènes donnés dans l'expérience, mais elle n'a pas le droit d'imaginer quelque chose qui soit en dehors des phénomènes réels.
Cette analyse pose bien la problématique des religions et la philosophie politique et morale considère qu'il est irrationnel de vouloir fonder l'absolu sur le relatif, un événement historique particulier, dans le cadre des religions révélées (seulement à quelques-uns), quelque-part, à un moment donné au lieu de fonder rationnellement la morale individuelle et sociale sur des préceptes, des lois, valables en tout temps et en tout lieu.   



"Deux choses me remplissent le coeur d'une admiration et d'une vénération, toujours nouvelles et toujours croissantes, à mesure que la réflexion s'y attache et s'y applique : le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi. [...] Le premier spectacle d'une multitude innombrable de mondes anéantit, pour ainsi dire mon importance, en tant que je suis une créature animale qui doit rendre la matière dont elle est formée à la planète (à un simple point dans l'Univers), après avoir été pendant un court espace de temps (on ne sait comment) douée de la force vitale. Le second, au contraire, élève infiniment ma valeur, comme celle d'une intelligence, par ma personnalité dans laquelle la loi morale me manifeste une vie indépendante de l'animalité et même de tout le monde sensible."

Kant, Critique de la raison pratique, V, 77f